Note d'Intention


 NOTE D'INTENTION DE RÉALISATION 

Stalker est un film hybride entre le court-métrage et le vidéo-clip, une expérimentation narrative d’environs 5 minutes. Le projet raconte l’histoire du Stalker, un personnage énigmatique obligé de porter un masque pour survivre dans un monde dévasté, et en quête d’une femme qu’il a jadis aimée. Le film mêlera aux visions post-apocalyptiques du personnage, des « tableaux » poétiques, où l’on verra la beauté que le Stalker perçoit derrière le monde en ruine. 

Ce personnage, a priori ultime survivant, s’accroche à sa quête comme unique dimension de vie. Il se crée cet objectif, ce sens, qui lui donne la force de survivre. Dans sa solitude, il verra parfois le fantôme de sa femme, apparition à la fois rassurante et inquiétante, et se laissera guider par cet ectoplasme halluciné. Mais sa quête l’amènera au-delà de ses espérances, à la rencontre d’un renouveau, d’une renaissance. 

Le film s’inscrit plus largement dans une suite de cinq œuvres, cinq vidéoclips tirés de l’album 1984, et dans lesquels on retrouve les deux personnages : le Stalker et la jeune femme. Les cinq projets sont pensés comme une suite narrative à la chronologie cohérente, si bien qu’ils pourraient être chacun regardés de façon indépendante, ou dans une continuité, les uns à la suite des autres. Pour commencer ce chantier, nous avons tourné Le Rêve du Stalker, qui est en réalité le troisième volet de ce tableau en cinq parties. Nous avons débuté par ce film, car il nous a permis d’expérimenter des techniques de fabrications particulières. Pour déployer un monde post-apocalyptique, nous devons créer des effets visuels mêlant prises de vues réelles et images virtuelles. Le Rêve du Stalker est aussi une charnière dans la trame narrative, il représente un nœud particulier, une sorte de pause et de changement d’univers : les deux premiers volets nous dévoilent la rencontre des deux personnages avant la fin du monde, tandis que les deux volets suivant nous montrent comment le personnage principal tente de survivre et de retrouver sa femme.

Stalker est peut-être le volet le plus ambitieux et le plus important, car il nous présente ce qu’est devenu le monde, sa ruine : une mégapole totalement dévastée.


 Les thématiques de STALKER 

Stalker explore le rapport qu’on entretien avec le vide, l’absence de l’autre, la solitude et le manque. Le film met en exergue l’importance de l’altérité dans notre construction du monde. Si ce dernier est la perception qu’on en a, chaque être humain représente un monde à part entière. On dit ainsi que lorsqu’une personne meurt, c’est tout un monde qui disparaît. Dans Stalker, on constate que pour le personnage principal, la perte de sa femme coïncide avec la fin du monde. Elle était tout pour lui, et tout disparaît avec elle. C’est ce que nous souhaitons montrer : ce qui arrive lorsque deux personnes fusionnent au point que si l’une des deux disparaît, c’est le monde entier de l’autre qui s’effondre également, littéralement, physiquement. 

Le personnage est hanté par les souvenirs de sa femme. Cet harcèlement le pousse à partir, à s’inventer une quête folle : la recherche de sa bien-aimée. En reconstruisant ses souvenirs, les aspérités de sa femme, il provoque une quête initiatique. Ce voyage va lui permettre de redonner un sens à sa vie. Il abandonne une folie pour une folie plus douce.



 STALKER:paradoxes et contrastes 

Le personnage est à la fois libre, il évolue dans de grands espaces, et enfermé, caché au monde par son masque (qu’il doit constamment porter pour pouvoir respirer). Ce jeu de cache-cache, ce masque, cette protection, est à la fois utile et futile : survivre, mais à quoi bon se demande le personnage. On ne sait si le cache, le cadre et le masque, sert de séparation entre lui et le vide extérieur, ou s’il contient au contraire son vide intérieur, prêt à s’évaporer à tout moment. 

Il est accablé de solitude. Pourtant, sa vision est perturbée par l’apparition de fantômes du passé. À notre vision du film, du monde diégétique, nous superposons celle du Stalker, ses propres visions. Et le personnage voit son état de solitude basculé soudainement : il se retrouve avec sa femme. Mais lorsque ses visions disparaissent, il subit systématiquement un retour brutal à son état initial : une profonde solitude. 

Enfin, le film présentera la vision inquiétante et sombre d’un monde en ruine, dévasté, balayé par le vent. Mais nous souhaitons superposer à cette vision une poésie singulière, une mélancolie, un émerveillement. C’est pour cela que le personnage sera parfois confronté à des décors ou des éléments surprenants : un bus encastré au 3ème étage d’un immeuble, un paquebot au milieu d’une grande place, un mur de livres devant une bibliothèque éventrée. 

A travers ces paradoxes, nous souhaitons montrer l’état mental du personnage, oscillant entre espoir et désespoir. Les contrastes ainsi créés nous présenteront son manque : celui de l’autre. Le Stalker, qui dans l’œuvre de A. Tarvkovski est un être sacrifié, est ici acculé des erreurs du passé, subissant la destruction, portant sur ses épaules le poids de ce vide.

 Approches de mise en scène 

Le film sera construit comme un voyage initiatique dans une grande ville en ruine, à travers des paysages à chaque fois surprenant. Les hallucinations visuelles du Stalker dans ces paysages inédits feront osciller le film entre réalisme, onirisme et surréalisme. Pour ce faire,  nous jouerons entre des mouvements de caméras fluides, lents, avec des travellings contemplatifs, et des moments plus brutes : caméras épaules, mouvements plus rapides. La caméra sera souvent, soit en rotation large autour du personnage et des apparitions, soit en travelling continu sur sa déambulation. 

La ville sera comme un personnage à part entière, contre lequel lutte le Stalker. Il devra parfois avancer dans un dédale de béton et d’acier, comme une forêt minérale hostile. Mais, toujours sur le jeu des contrastes, il devra aussi arriver sur des lieux dégagés, qui offriront alors les visions vertigineuses d’un monde retourné. Dans cet univers de pierre et d’acier, les couleurs seront tantôt terreuses, chaudes et tirant vers la glaise, tantôt grises et brumeuses. 

Se superposant à ce souhait, cette vision devra aussi offrir une poésie particulière, contemplative, avec des plans d’ensemble larges composant des tableaux. C’est dans cette perspective que le film se termine sur une vue d’ensemble, le Stalker regardant la ville d’une colline surplombant l’espace, avec un rayon lumineux traversant les nuages. Le montage sera aussi relativement lent et contemplatif, guider par le rythme de la musique. 

Les apparitions joueront entre des moments de douceurs, de rêveries du Stalker, et des venues plus surprenantes et inattendues. 

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